Violence verbale, agressivité, du flaming…, sur les réseaux sociaux…, des internautes qui témoignent de leur expérience sur l’application Tik Tok, notre sociologue Abdessatar Sahbani décrypte ce phénomène et explique ses raisons…
Des attaques, de l’agressivité verbale, des insultes, un discours de haine, voire des menaces de mort… C’est ce qui se passe aujourd’hui dans les cyberespaces et groupes de discussion en ligne rassemblant le plus souvent des personnes qui ne se connaissent pas réellement, mais qui se cachent parfois derrière une fausse identité…
Notamment, sur l’application mobile chinoise «Tik Tok», montée depuis l’année 2016, qui permet aux internautes de partager des vidéos et organiser des « live», afin de se regrouper virtuellement et partager des avis sur des questions et des thèmes d’actualité…., telle que la politique, la religion…, souvent, les discussions et les débats virent rapidement, se transforment en des querelles sans fin avec des échanges d’attaques, d’agressions verbales et d’insultes….
Certains sujets et points de vue que débattent ces internautes et organisateurs de live rassemblent, d’autres divisent et c’est à partir de cela que tout dégénère… Les commentaires deviennent très agressifs car chacun veut défendre à tout prix son idée et, dans ce cas, le plus souvent, et le plus facile, serait d’insulter l’autre afin de le déstabiliser et cela peut être très facile, car derrière l’anonymat et derrière l’écran et lorsque la discussion s’enflamme et le ton monte, personne ne pourra connaître réellement l’agresseur, donc, on se permet de dire ce que l’on veut librement et sans se soucier vraiment de l’autre personne attaquée et que l’on veut à tout prix déstabiliser, provoquer et lui nuire…
Du «flaming» et du cyberharcèlement !
Rana, une victime de violence verbale, en témoigne sur ce sujet : «En surfant sur mon compte Tik Tok, j’ai visité par hasard un groupe de personnes organisant un live afin de discuter d’un sujet d’actualité, à savoir l’affaire des Subsahariens en Tunisie et, en exprimant mon propre point de vue, qui n’a pas plu apparemment à certains internautes, j’ai été victime d’insultes verbales, d’attaques à ma propre personne et même des propos de menace… J’ai quitté illico ce groupe et le live, sauf que le problème ne s’est pas arrêté là ! On m’a bourré quand même de messages et de commentaires d’insultes sur ma propre boîte de messagerie sur mon compte Tik Tok, du coup, j’ai désactivé mon ancien compte et j’ai refait un autre sous une fausse identité afin de ne plus me faire reconnaître et, de plus, j’ai décidé de ne plus dire ce que je pensais vraiment et librement sur tel ou tel sujet, au risque d’être à nouveau agressée ou insultée !», raconte Rana.
Du fanatisme et de l’intolérance
Idem pour Jouri, une internaute qui venait de découvrir l’application et son fonctionnement tout récemment. En surfant d’un « live » à un autre et en se connectant avec plusieurs personnes en même temps virtuellement pour débattre d’un sujet sur la religion et le port du hijab, elle a été rejetée pour ses idées, qui n’ont pas plu à certains participants dans la discussion, elle a été attaquée et accusée même d’être «islamophobe», d’avoir des intentions malsaines et a été également menacée de divulguer ses propos en plein public suite à l’enregistrement qui a été fait dans le live et sur le réseau social afin de salir sa réputation… « Suite à cet incident qui m’est arrivé sur Tik Tok, que je viens juste de découvrir, j’ai désactivé mon compte illico et j’ai quitté l’application sans avoir l’intention de la réactiver à nouveau et à participer à des débats ou partager des idées avec des personnes intolérantes et fanatiques qui ont déformé mes propos…», a expliqué Jouri, encore ébahie.
Pour expliquer l’ampleur de ce phénomène, à savoir la violence verbale qui ne cesse d’augmenter jour après jour, que ce soit sur le plan réel dans les espaces publics ou sur le virtuel, le sociologue Abdessatar Sahbani précise que ce fléau n’est pas récent, il trouve d’ailleurs ses origines dans notre culture et éducation déjà, mais il s’est intensifié ces dernières années avec l’émergence des nouvelles technologies de communication, des réseaux sociaux, du virtuel qui font que les personnes «internautes» insultantes et blessantes se cachent dans l’anonymat et se retrouvent derrière un écran. Ce phénomène de société n’est pas lié uniquement aux réseaux sociaux, mais il fait partie déjà de notre quotidien. Les mamans par exemple insultent leurs enfants et les violentent verbalement, sauf que le phénomène s’est juste amplifié avec les réseaux sociaux et a pris une forme de socialisation», explique l’expert en sociologie. Sahbani ajoute encore que la télévision(les feuilletons et séries diffusés…), les médias…. ont joué aussi un rôle important pour banaliser ce phénomène et le normaliser. «On vit dans un système qui secrète de la violence d’autant plus que nous n’avons pas une réglementation et des lois imposées pour criminaliser la violence», conclut le sociologue.